Petit tour dans la logosphère

ReMarques : Que serait une marque sans logo ? Place de la Comédie revient sur l’histoire d’un de ces célèbres signes d’identification. Aujourd’hui, Adidas et ses trois bandes.

C’est en 1918, dans une Allemagne marquée par la Première Guerre Mondiale qu’Adolf Dassler crée sa première boutique de chaussures. Agé de 21 ans, ce jeune sportif accompli récupère dans les rues des morceaux de tissus et fabrique ses premiers modèles. Rejoint par son frère Rudolph, il développe l’entreprise Dassler avec succès et connaît un réel essor. La marque fait preuve d’initiative et la chance lui sourit : après avoir équipé les athlètes allemands aux Jeux Olympiques de 1928 à Amsterdam, elle fournit des chaussures à Jesse Owens lors des JO de Berlin et profite de la polémique entourant les quatre victoires du sprinteur américain.

Mais les premières dissensions entre les deux frères se font alors ressentir et vont s’accentuer durant la Seconde Guerre mondiale. À cette période, la production est contrôlée par le régime nazi et alors qu’Adolf parvient à éviter la mobilisation, Rudolf est lui envoyé au front puis capturé par les américains. Lorsqu’il est finalement relâché et renvoyé en Allemagne, il n’accepte pas de voir son frère travailler avec l’armée américaine et décide de quitter l’entreprise, emportant avec lui la moitié du matériel de l’usine. En 1948, la fabrique de chaussures Dassler ferme officiellement ses portes et chacun des deux frères crée sa propre entreprise.

Pour les nommer, ils choisissent de prendre la première syllabe de leurs prénoms et de l’accoler à celle de leur nom de famille : la marque d’Adolf s’appellera Adidas, celle de Rudolf sera Ruda. Mais finalement peu convaincu par ce nom, le plus vieux des deux frères renommera rapidement sa marque… Puma ! Avec le succès qu’on connaît.

Pendant des années, et jusqu’à la mort de Rudolf en 1974, les deux sociétés vont rivaliser d’ingéniosité et de créativité pour se hisser à la première place du marché des chaussures de sport. Tous les coups seront permis pour tenter d’anéantir l’adversaire. A commencer par payer les athlètes pour porter leurs produits. La lutte entre les deux grandes marques est à l’origine du sport business, mais elle a aussi favorisé la recherche technologique dans le domaine des équipements sportifs.

C’est d’ailleurs une innovation qui est à l’origine du célèbre logo Adidas. En 1967, l’entreprise commercialise une nouvelle chaussure aux lacets un peu spéciaux. Alors que les chaussures de sport étaient habituellement attachées grâce à des lacets sur le devant, Adi Dassler décide d’utiliser des lanières cousues sur le côté. Trois lanières blanches plus exactement, qui viendront fermer toutes les chaussures Adidas. Devant le succès de ce nouveau produit, Adolf Dassler décide d’en faire un des symboles de son entreprise. La marque aux trois bandes est née.

Adidas développe son cœur de métier et prend de l’importance dans de nombreux sports comme le football (elle est la première à commercialiser des crampons), le tennis ou encore le basket. Mais la marque commence à se diversifier et cherche à se positionner sur de nouveaux segments comme le streetwear. Et en 1971, elle affirme cette volonté de diversification avec la présentation de son nouveau logo. Reprenant les fameuses trois bandes chères à son créateur, ce logo comprend un trèfle à trois feuilles censé représenter le désir d’innovation et d’expansion d’Adidas.

À la mort d’Adolf Dassler, c’est son fils Horst qui reprend les rennes de l’entreprise. Adidas fait alors partie des marques les plus puissantes et innovantes au monde. Elle s’est développée sur tous les continents, a ouvert des usines dans le monde entier et enchaine les bons coups marketing avec les signatures d’égéries mondialement connues. Mais l’entreprise stagne et perd du terrain sur ses concurrents parmi lesquels Nike et Reebok : tout en restant la propriété de la famille Dassler, elle change de statut en 1989 et devient une société par actions. La saga familiale prendra fin un an après avec le rachat de la majorité des actions par Bernard Tapie, puis par Robert Louis-Dreyfus en 1993. Cette nouvelle étape dans l’histoire d’Adidas est accompagnée par un nouveau logo, trois bandes symbolisant une montagne à laquelle le nom Adidas sert de socle.

L’entreprise connaît de nouveau la croissance et en 1997, elle rachète la marque française Salomon. Pour l’occasion, un nouveau logo censé représenté un sportif (en noir) levant les bras au milieu des couleurs de Salomon (le rouge) et d’Adidas (le bleu) est créé. Utilisé sur les documents officiels, il n’apparaît pas sur les produits et sera rapidement abandonné par la marque.

Au début des années 2000, Adidas décide de surfer sur la mode du vintage en ressortant certains de ses produits classiques tel que la « Stan Smith », une chaussure créée pour le joueur de tennis du même nom en 1978. Mais la chaussure, reproduite totalement à l’identique, comporte donc l’ancien logo en forme de trèfle. Et dans le même temps, la marque allemande cherche à se positionner sur le segment du style sur lequel son concurrent Nike a pris de l’avance. Pour cela, elle fait appel au célèbre créateur japonais Yohji Yamamoto qui, en 2002, lui dessine une collection de vêtements mais également un nouveau logo dédié aux collections « style » représentant un globe traversé par les désormais célèbres trois bandes d’Adidas.

Si la marque retrouve de sa superbe et affiche des résultats impressionnants, elle se retrouve donc au début des années 2000 avec trois logos différents, pas toujours utilisés à bon escient et encore moins compris par le public. Elle décide donc de procéder à une clarification de son identité en publiant, en 2006, une explication officielle : le logo créé par Adolf Dassler en 1967 est toujours le logo de l’entreprise. Celui en forme de montagne est dédié aux collections « Sport Performance » tandis que le globe représente les collections « Sport Style ». Enfin, le trèfle est utilisé pour tous les produits se rapportant à la collection « Sport Heritage». D’aucun appelleraient ça une forme de schizophrénie aigue.