A 100 ans, Maserati se donne un visage plus «accessible»

L’autre marque au Trident qui fête cette année son centième anniversaire a l’ambition d’élargir sa gamme avec des modèles plus « accessibles », tout en continuant d’entretenir la flamme de la sportivité pure et de l’exclusivité. Virage délicat à négocier, sur le long terme.

L’histoire de Maserati est avant tout l’histoire d’une fratrie : cinq des sept frères Maserati seront impliqués de près ou de loin dans le développement de la marque ; que ce soit dans la conception, la réalisation ou encore le pilotage des voitures, Bindo, Alfieri, Mario, Ettore et Ernesto participeront à la construction de la légende.

Maserati

Alfieri Maserati

Le leader est Alfieri Maserati ; il commence sa carrière chez Isotta-Fraschini, grand constructeur automobile Milanais. Technicien et ensuite pilote, Alfieri met également au point pour le constructeur un centre de service après-vente. Il est vite rejoint dans l’entreprise par deux de ses frères, Bindo et Ettore.

Désirant se mettre à son compte, Alfieri fonde ensuite sa propre entreprise ; en 1914 est ainsi créée la Societa Anonima Officine Alfieri Maserati, qui est en réalité un atelier spécialisé dans la préparation sportive des moteurs Isotta-Fraschini. Ses frères le rejoignent, à l’exception de Bindo qui reste dans un premier temps chez Isotta-Fraschini.

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Avec l’expérience qu’il a acquise comme préparateur, Alfieri décide ensuite de monter sa propre entreprise de fabrication de véhicules. Les frères ont besoin d’un emblème pour leur société et c’est Mario, le seul frère préférant l’art à l’automobile, qui va le réaliser. Il choisit alors d’utiliser des symboles de sa ville, Bologne : le trident reprend celui de la statue de Neptune qui orne la fontaine de Piazza Maggiore, et le rouge et le bleu sont les couleurs de la ville.

Maserati
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L’entreprise produit sa première voiture en 1926, la Typo 26.

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La Typo 26

Les Maserati s’imposent rapidement sur les pistes ; dès 1929, le record du monde de vitesse sur 10 km réalisé par Baconin Borzacchini au volant d’une Maserati V4 met le constructeur en lumière.

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En 1930, la marque remporte sa première victoire internationale au grand prix de Tripoli. Le chef du gouvernement italien accorde même à Alfieri Maserati le titre de « cavaliere», l’équivalent de notre légion d’honneur.

Mais Alfieri meurt en mars 1932. Bindo quitte alors Isotta Faschini pour épauler ses deux frères et devient le nouveau président de la société familiale. Ernesto dirige le bureau d’étude et Ettore se charge de la compétition automobile.

C’est une période sombre qui commence. En 1934, suite à une nouvelle réglementation, Maserati doit se retirer des grands prix ; et l’entreprise connaît de nombreux problèmes financiers. Souhaitant abandonner les contraintes de la gestion et se concentrer sur les orientations techniques de la marque, les frères Maserati cèdent leurs parts à la famille Orsi.

A l’origine, l’accord passé avec les Orsi prévoit qu’ils restent maîtres des orientations techniques de la marque. Mais ils sont vite évincés et la direction générale est confiée en 1939 à Adolfo Orsi, qui choisit alors de nouveaux directeurs techniques et déménage Maserati à Modène (où elle est toujours aujourd’hui).

Cette même année, la marque remporte la course des 500 miles d’Indianapolis, exploit qu’elle réitèrera l’année suivante. Maserati est désormais connue aux Etats Unis et espère y percer.

Les premières années de l’après-guerre sont fastes et la marque accumule les succès, tant sur les pistes que sur les routes. En 1946 nait en effet l’A6, le premier modèle route de Maserati (la voiture sera carrossée par Pininfarina).

Les Années 50 voient le constructeur Italien couronné de succès grâce à Juan Manuel Fangio qui gagne son dernier titre mondial sur la Maserati 250F.

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Mais les compétitions sont onéreuses et la firme doit précipitamment se retirer de la compétition. Maserati décide alors de se diversifier et de développer une gamme « routière ». Ce processus est entamé avec la 3500 GT, première voiture de la marque produite en « série » (2000 exemplaires) et conçue pour le marché Américain.

Grâce à ce nouveau positionnement et profitant du boom économique, les années 60 seront à nouveau fastes pour la marque italienne. La naissance des modèles Grand luxe, comme la fameuse « Dame blanche » (surnom du premier prototype de la 3500GT) positionne Maserati comme un orfèvre de l’automobile. Le modèle unique construit pour le Shah d’Iran reste encore aujourd’hui, de par ses finitions et son moteur exclusif, une des voitures les plus luxueuses au monde.

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L’année 1963 marque la naissance d’un autre modèle emblématique de la marque : la Quattroporte.

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De 1963 à 1970, Maserati est en pleine expansion. La marque commercialise de nombreux modèles, à l’instar de la Sebring, une version dérivée de la 3500 GT dont même Pavarotti chante les louanges, et la fameuse Ghibli, fruit de la collaboration avec le designer italien Giorgetto Giugiaro.

Bien que connaissant un grand succès, la marque est en réalité au bord du dépôt de bilan et la famille Orsi cède ses parts à Citroën en 1968. La marque française garde Maserati sous son aile pendant 7 ans. De cette collaboration naitra la SM : S pour « projet S » et M pour Maserati.

Malheureusement, la voiture sortie en 1970 juste avant le choc pétrolier sera un échec commercial. Abandonnée par le constructeur Français, Maserati est de nouveau mis en liquidation.

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Sauvée par l’Etat italien et Alessandro de Tomaso (industriel, ancien pilote de la firme), la marque prend une nouvelle orientation. Elle commence à commercialiser au début des années 80 des modèles « moins coûteux » à l’image de la « bi-turbo ».

Bien que plus abordables et connaissant un certain succès, ils sont néanmoins en dessous des standards des anciennes productions de la marque au trident.

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Déclinée en une trentaine de versions, la voiture sera produite à plus de 37 000 exemplaires jusqu’en 1993. C’est cette même année que Maserati rejoint le groupe Fiat et retrouve Ferrari qui en prend définitivement la direction en 1999.

L’année 2004 voit la marque renouer avec les victoires sur circuits, revenir sur le devant de la scène, retrouver Pininfarina, et repartir à la conquête des Etats Unis.

Avec la nouvelle Quattroporte, bien sûr, mais aussi la Granturismo, Maserati est aujourd’hui de nouveaux sous les feux des projecteurs.

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Le groupe Fiat semble vouloir donner une nouvelle impulsion à la marque depuis 2010. La volonté est de retenter une percée dans le domaine des berlines premium et suivre la route ouverte par Porsche (succès du Porsche Cayenne et récente commercialisation du Macan, « petit » SUV vendu 45 000 €).

Sortie en 2013 la Maserati Ghibli amorce cette nouvelle stratégie. Vendue sous la barre des 100 000 €, une première pour Maserati, elle est en plus équipée d’un moteur diesel, un sacrilège pour les puristes.

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La Maserati Ghibli

Cette « entrée de gamme », commercialisée aux alentours de 65000 €, arrive sur le marché très concurrentiel des berlines premium que dominent Audi, BMW et Mercedes.

Pour promouvoir ce nouveau modèle, la marque Italienne voit les choses en grand et s’est offert un spot pour le Super Bowl 2014.

La marque commercialisera même prochainement un SUV, le Levante, qui reprend la plateforme du Grand Cherokee de Jeep, autre marque dans le portefeuille du groupe Fiat.

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Le Maserati Levante qui devrait être commercialisé en 2015

Pleine d’ambition et armée de ses nouvelles gammes de véhicules, Maserati, qui revient de loin, part donc à la conquête de nouveaux marchés. Mais la stratégie est sensible. Entre un positionnement élitiste et un positionnement premium accessible, le risque de dévalorisation du capital de marque est réel. Preuve en est le discours du constructeur, qui cherche à rassurer sur le maintien de « l’esprit Maserati ».

Porsche a la même préoccupation : tout en commercialisant des voitures plus « accessibles », le constructeur déploie beaucoup d’énergie à communiquer sur la légende de la marque, comme par exemple à l’occasion du récent jubilé de la 911.

De la même façon, Jaguar de son côté vient de présenter la XE, berline familiale qui sera commercialisée à partir de 33 000 € ; mais ses dirigeants ont bien choisi leurs mots, en précisant que ce sera « la meilleure berline sportive de sa catégorie en termes de dynamisme, de raffinement et de technologie » et ont veillé, en parallèle, à présenter aussi la F-type projet 7, roadster de rêve qui sera fabriqué à 250 exemplaires, hommage à l’iconique Type D lancée en 1954.

Equilibre subtil entre réalité et rêve, entre démocratisation et exclusivité. Une sortie de route est si vite arrivée…